Après 4 mois de navigation, 5000 miles nautiques parcourus, 6 escales dans des pays ou archipels différents (les Baléares, l'Espagne, le Maroc, les Canaries, le Cap-Vert puis les Antilles), en équipage de 4 amis tout du long, voici notre perception de l'artisanat dans les différents pays, nos premières impressions sur le démarrage du projet et les difficultés rencontrées. Bienvenue à bord de Hipō !
Notre perception de l'artisanat a été très différente en fonction des pays. Au Maroc et au Cap-Vert, l'artisanat est l'un des principaux piliers de la culture locale, on le vit partout, tous les jours. Encore en partie épargné par les ravages d'un capitalisme mondialisé, il constitue la principale manière de fabriquer et de réparer les objets de tous les jours et les objets de décoration.
Au Maroc, les artisans travaillent souvent au rez-de-chaussée de leur maison, dans des ateliers de taille très modeste qui donnent sur la rue. Les activités sont organisées par quartiers : tanneurs, teinturiers, forgerons, couturiers, tisserands, etc. Quand on marche dans les rues de Fès, capitale de l'artisanat, on voit broder, peindre, teindre, on entend coudre, marteler, affuter, graver et on enjambe de la laine à filer.
Parfois, nous ressentons une sorte de décalage culturel à venir parler des métiers de l'artisanat, pour nous rares et exceptionnels, à un artisan de père en fils ou à une artisane de mère en fille qui n'a pas eu le choix de ce métier. En effet, ici, les savoir-faire se transmettent à travers les générations, souvent dans la famille, et presque toujours "sur le tas". Aujourd'hui, concurrencé par les productions industrielles et les reproductions, ces métiers rapportent peu et ne font plus rêver les jeunes, qui préfèrent pour beaucoup travailler dans la tech, l'ingénierie, le commerce.
Aux Canaries, bien qu'étant géographiquement au large du Maroc, nous avons eu beaucoup plus de mal à trouver des artisans qui sont, pour la plupart disparu. Certains savoir-faire ont été figés dans le temps, muséifiés pour les besoins d'un tourisme toujours plus intense. Ainsi, nous y avons recensé la fabrication artisanale de dentelle d'ornement, et de très grands bâtons de bergers faits pour sauter d'une terrasse à l'autre dans les estives rocheuses de la Gomera, le fameux "saut Canarien". Cependant, il est bien moins visible qu'au Maroc ou au Cap-Vert, un patrimoine, et ne fait plus partie de la vie de tous les jours.
En ce début de projet, nous réalisons que l'apprentissage de la navigation au large nous a pris beaucoup d'énergie et de temps de cerveau disponible. En partant, nous n'avions jamais effectué de navigation de plus de 30 heures sans escale, et à la fin de ces quatre mois, nous avons parcourus 5000 miles (soit plus de 9200 kilomètres), traversé l'Océan Atlantique et effectué pour plus longue navigation, 16 jours en pleine mer et en autonomie. Un sacré défi relevé avec moultes to-do lists, réparations, entretiens, gestion de la sécurité et avant tout, un sacré défi humain.
Après ces 4 mois, nous avons finalement pris confiance, acquis beaucoup d'expérience, observé que notre voilier Hipō était très marin, réagissait très bien au gros temps, fait de magnifiques rencontres et nous avons surtout pris goût à cette vie du large !
C'est quand même dingue d'arriver aux Antilles depuis Sète seulement par la force du vent, alors merci Eole pour le vent, Hipō pour tes belles voiles et tout celles et ceux qui nous ont encouragés et accompagnés !
A présent, nous ressentons le besoin de nous ancrer un petit peu quelque part pour sortir de la logistique voyage et faire des rencontres terrestres de plus long terme. Faire de vraies rencontres quand on est de passage et en tant que capitaines d'un bateau qui requiert beaucoup d'attention, est parfois compliqué, et nous donne la sensation de seulement effleurer la surface des pays que nous visitons. Quand on arrive à terre, c'est parti pour une panoplie de formalités et d'entretien: douanes, gasoil, nettoyage, courses, réparations, lessives, plein d'eau etc. Evidemment, rien ne se passe jamais comme prévu, nos chers équipiers Elise et Yann peuvent en témoigner, alors difficile de prendre le temps d'errer, de prendre rendez-vous avec des artisan.e.s, et d'instaurer un lien de confiance.
Alors nous faisons un stop d'une année, peut être plus, aux petites Antilles, plus précisément en Guadeloupe, pour renflouer notre caisse de bord pour pouvoir pousser vers le Pacifique à l'avenir et surtout pouvoir prendre le temps de faire de belles rencontres et reportages sur l'artisanat de l'arc antillais, bouillonnement culturel à la croisée de plusieurs mondes.
Comme ont dit ici: "Se gren diri ka fe sak diri" ce qui se traduit littéralement "Ce sont les grains de riz qui font un sac de riz", autrement dit : les choses se font petit à petit. A suivre !
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